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Comment éviter que les crampes viennent ruiner votre match ?

La crampe est peut-être le souci physique le plus redouté des sportifs. Dans ce nouvel épisode de "conseils aux compétiteurs", nous vous expliquons comment la prévenir, et éventuellement la guérir.
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Carlos Alcaraz pourrait en parler, avec d'autant plus de détachement maintenant qu'il a "surmonté" le problème et pris sa revanche face à Novak Djokovic en finale de Wimbledon. Mais souvenez-vous de ce qui s'était passé un mois plus tôt, en demi-finale de Roland-Garros : pris d'une terrible crise de crampes au cœur de la bagarre face au Serbe, l'Espagnol n'avait plus fait que de la figuration durant les deux derniers sets, et vu ainsi tous ses efforts soudainement réduits à néant.

Le n°1 mondial pourrait donc témoigner qu'une crampe est aussi terrible que sournoise. Elle peut surgir sans prévenir et ne plus vous lâcher, elle peut en quelques minutes à peine "pourrir" le match de votre vie. Elle touche aussi tout le monde, y compris les sportifs les mieux préparés même si généralement - on va le voir -, elle s'attaque plutôt aux autres.

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D'abord, qu'est-ce qu'une crampe ?

La définition est relativement simple : "La crampe est une brève contraction musculaire parasite, c'est-à-dire qu'elle intervient sans que l'on puisse vraiment la contrôler", expose Paul Quétin, coordinateur de la préparation physique à la FFT. "La contraction musculaire est un phénomène chimique qui nécessite différents composants. Lorsqu'un de ces composants fait défaut, le dysfonctionnement survient, c'est aussi simple que ça."

En revanche, l'origine de la crampe est plus compliquée. Dans le contexte d'une activité sportive, il faut déjà distinguer deux types de crampes : la crampe d'origine physiologique et la crampe d'origine émotionnelle, appelée aussi crampe de stress.  

La première est due à une carence de l'organisme (déshydratation, perte de sels minéraux, etc.), ou tout simplement une suractivité du groupe musculaire, liée à la fatigue ; la seconde, un peu plus mystérieuse, est due à un état de nervosité excessif qui va venir provoquer une altération de la conduction neuro-musculaire.

FFT / Marine Andrieux
Paul Quétin, coordinateur de la préparation physique à la FFT.
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Bien boire, mais pas seulement

Commençons par cela, parce que c'est bien souvent la cause principale : "En général, la crampe survient lorsqu'il y a une déperdition importante sur le plan hydrique, qui n'est pas suffisamment compensée parce que l'on ne boit pas suffisamment, ou que l'on ne boit que de l'eau", explique Paul Quétin.

La sudation étant le vecteur principal de la perte hydrique, inutile de préciser qu'il est d'autant plus important de bien anticiper le problème en cas de fortes chaleurs. C'est basique à rappeler, mais faisons-le quand même : boire beaucoup est essentiel avant même de ressentir la sensation de soif, en sachant que lorsque celle-ci survient, c'est souvent trop tard.

Mais comme le rappelle Paul Quétin, il ne faut pas boire que de l'eau. Non, on ne vous incite pas ici à boire de l'alcool. On veut dire par là que l'effort "pioche" aussi dans les substrats énergétiques essentiels pour fournir de l'énergie aux muscles. Il faut donc également veiller à anticiper ces pertes énergétiques en buvant et, aussi, en s'alimentant : "Pour cela, on peut coupler l'eau avec des boissons d'efforts, qui sont enrichies en sels minéraux, sodium, vitamines et autant de choses essentielles pour compenser les pertes hydriques, conseille Paul Quétin. Ou à défaut de boissons d'efforts, on peut aussi tout simplement s'alimenter avec des fruits, des barres céréales, de la compote, etc."

Autrement dit, fini le règne de la bouteille d'eau unique rangée au fond du thermobag. Pour éviter la crampe, il vous en faudra plus. Et puis, ultime précision : sous la chaleur, se vider régulièrement de l'eau fraîche sur la tête, ou sur la nuque, est important aussi pour prévenir le coup de chaud, donc la déshydratation, donc la crampe.

FFT / Sindy Thomas
Comme Rafael Nadal, buvez de l'eau, mais pas que !
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Avoir un régime alimentaire adapté

S'alimenter correctement pendant son match, que ce soit avec des fruits ou des boissons d'efforts, c'est bien. S'alimenter correctement à longueur de temps (ou presque…), c'est mieux. La crampe qui survient à l'effort est peut-être la conséquence (on n'ose dire la punition !) d'une hygiène de vie… disons pas forcément optimale.

"Un mauvais régime alimentaire quotidien peut entraîner une carence en vitamines, ou autres choses, qui va à un moment donné entraîner un problème à l'effort, comme le résume Paul Quétin. La crampe peut être liée à un ensemble de choses et l'alimentation est un facteur très important à prendre en compte."

Ne rechignez donc pas – entre autres – sur les fruits et les légumes : au moment de servir à 4-4, 30-30 au 3e set, votre ischio-jambier vous en sera reconnaissant.

FFT / Corinne Dubreuil
S'alimenter avec des fruits pendant les matchs est recommandé...
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La préparation reste la meilleure des préventions

Ça va peut-être sans dire, mais ça mieux en le disant : l'entraînement, comme le régime alimentaire, doit lui aussi être adapté au mieux à vos besoins. "Si vous vous engagez dans un tournoi de tennis amateur, vous devez être sûr d'être capable de tenir facilement 2h30 ou 3h de match, avertit encore Paul Quétin. Et si, la dernière fois que vous avez fait un match aussi long, vous l'avez terminé au bord des crampes, il faut travailler là-dessus."

Le préparateur physique des plus grands joueurs et joueuses français fait ici allusion aux crampes de "fatigue", qu'il distingue des crampes purement physiologiques dans le sens où elles ne sont pas liées à une mauvaise hydratation ou une mauvaise alimentation : elles sont liées, tout simplement, à une altération de la condition physique. "Le joueur arrive dans une zone qu'il n'a pas suffisamment explorée à l'entraînement physique : son corps ne répond plus aussi bien, et la crampe arrive…"

FFT / Philippe Montigny
La crampe arrive... Pensez à votre condition physique !
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Ne négligez pas l'aspect émotionnel

On va plutôt évoquer ici la crampe de stress, la fameuse dont a été victime Carlos Alcaraz à Roland-Garros, ou aussi, souvenez-vous, Guillermo Coria en finale de l'édition 2004 contre son compatriote Gaston Gaudio.

Nul ne saurait remettre en cause la préparation physique de ces joueurs : ils ont pourtant été victimes de crampes à un moment où ils ne l'auraient jamais été dans un match "normal". Sauf que cette fois, l'enjeu les a submergés, au point d'avoir ces répercussions néfastes sur leur organisme.

C'est le mystère de la relation corps-esprit, et c'est aussi le mystère de cette crampe de stress, "bien difficile à prévenir", comme le dit Paul Quétin. "Cette fois, on est plus dans la psychologie que dans la chimie. La nervosité est telle qu'elle entraîne, pour des raisons difficiles à expliquer, une altération de la conduction neuro-musculaire. C'est un peu comme quelqu'un qui se met à trembler parce qu'il est stressé : c'est quelque chose qui ne se contrôle pas."

Du moins, sur le moment. Il s'agit plutôt d'un travail de fond, que Carlos Alcaraz a manifestement opéré entre Roland-Garros et Wimbledon, lui qui a également confié avoir eu une approche mentale très différente du rendez-vous londonien.

S'il vous est arrivé, vous aussi, d'être victime de ces fameuses crampes de stress, on ne saurait trop vous conseiller de faire comme le n°1 mondial : reconnaître et accepter, d'une part, la réalité ; chercher à comprendre, ensuite, les raisons profondes qui vous ont mis dans un état pareil. C'est déjà un grand pas de fait vers une meilleure gestion de la prochaine situation du genre.

FFT / Corinne Dubreuil
Les crampes de stress ont terrassé Carlos Alcaraz en demi-finale de Roland-Garros.
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Que faire si la crampe arrive en plein match ?

Nous voilà au cœur du problème. Sachez déjà que vous ne pourrez pas faire comme Carlos Alcaraz, à savoir "concéder" volontairement tous les points qui vous séparent du changement de côté, afin de subir le temps de ce changement un traitement médical adapté. Pour les amateurs, le règlement sur les crampes est encore plus strict.

"Dans un tournoi fédéral, la crampe est considérée comme une perte naturelle de la condition physique et l'on n'a droit à aucun traitement", explique Jean-Patrick Reydellet, responsable de l'Arbitrage à la FFT. Crampe ou pas, le joueur se doit donc de respecter le cours normal du match. Tout 15/4 que vous êtes, le règlement stricto-sensu est très clair si une crise de crampes vous empêche de le faire, avec une sanction prévue toutes les 30 secondes pour dépassement de temps : avertissement, point de pénalité, trois points de pénalité et disqualification.

Dans les faits, un peu de fair-play n'est (on l'espère !) pas à exclure chez les amateurs, avec une attitude bienveillante de l'adversaire. Mais cela ne résoudra pas le problème principal : à savoir, gérer au mieux cette fichue crampe.

Médicalement parlant, "les crampes de stress sont réversibles, mais les crampes de fatigue ne le sont pas", avertit Vincent Guillard, Médecin du Centre National d'Entraînement. Certes, mais il y a les crampes un peu "entre les deux", dont on peut se sortir avec un minimum d'astuce. Rappelons par exemple le célèbre match de Michael Chang qui, perclus de crampes face à Ivan Lendl en 1989 à Roland-Garros, avait multiplié les "moon-balls" et les facéties pour se donner du temps avant de finalement crucifier son adversaire.


"Il y a ceux aussi qui arrêtent de s'asseoir, ceux qui ne servent plus que des deuxièmes balles, ceux qui se massent aux changements de côté…, énumère Paul Quétin. Lorsque la crampe surgit, il faut déjà tout de suite bien se réhydrater, s'alimenter, éventuellement prendre des pastilles de sel. Parfois, ce n'est pas trop tard. Je me souviens de Mikhail Youzhny qui avait eu des crampes en finale Coupe Davis contre Paul-Henri Mathieu (en 2002, NDLR). Finalement, il avait tenu cinq sets et il avait gagné."

Ce n'était pas forcément l'exemple dont on avait le plus envie de se rappeler ici. Mais c'est malgré tout un bon exemple pour prouver que, crampe ou pas, un match de tennis n'est jamais perdu… Encore faut-il savoir rester bien 'cramponné' à son objectif.

(Rémi Bourrières)

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