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Paratennis

Caroline Fassone : "Le handicap n’existe pas, nous sommes tous égaux"

Voici un nouvel épisode de notre "carré para". Pour lancer 2024, nous vous proposons un entretien avec Caroline Fassone, lauréate du dernier Masters sourds et malentendants.
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Vous êtes une des meilleures joueuses françaises en tennis sourds et malentendants mais aussi enseignante dans votre club. Pouvez-vous présenter votre parcours ?  

J’ai débuté le tennis à l’âge de cinq ans, en même temps que d’autres disciplines sportives. À 14 ans, j’ai décidé de m’investir totalement avec l’objectif d’être enseignante diplômée d’état et d'être performante en compétition.

J’ai été championne de Provence en 1994 en simple, championne de Provence par équipe en 1995, 1997 et 2004, entre autres. Je suis au Gallia TC depuis 2016.

Qu'est-ce qui vous plaît dans le tennis ?

J’aime le fait que nous devons nous investir pour gagner les points, réfléchir, trouver la meilleure tactique. J'apprécie le dépassement de soi, le fait de ne rien lâcher. Le mental est le socle de l’athlète. Je l’enseigne dès le plus jeune âge afin que mes élèves apprennent à être autonomes et prennent confiance en eux.

FFT
Un enseignante bien entourée !
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Quelles sont les particularités du tennis sourds et malentendants en termes de jeu ?

Il est très proche du tennis "classique" mais aussi totalement différent dans l’ensemble. Notre concentration est extrême, car nous n’entendons pas les différents effets de la balle, du coup notre acuité visuelle est beaucoup plus importante.

Par exemple, durant le laps de temps de la frappe de l’adversaire, les prises d’information nous arrivent au fur et à mesure de la vitesse de la balle. De ce fait, nous devons sans cesse nous adapter et préparer le coup suivant à jouer.

Nous puisons énormément d’énergie physique mais surtout mentale. La luminosité, tout comme les couleurs des murs, sont importantes lorsque nous jouons. Les mouvements autour du terrain et la présence active des spectateurs peuvent souvent nous perturber.

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À quel type de public enseignez-vous le tennis ?

J’enseigne aussi bien aux enfants qu'aux adultes. Parmi eux, j’ai des malentendants, des personnes handicapées des membres supérieurs, comme l’éctrodactylie au niveau de la main, mais aussi des porteurs de trisomie ou d’autisme.

Je m’adapte à eux comme eux doivent s’adapter à moi. Personne n’est meilleur ou plus faible que son camarade et le handicap n’est pas un frein pour le tennis. Surtout, il n’existe pas pour moi, car nous sommes tous égaux. J’insiste beaucoup sur le respect et le partage. Ma pédagogie est essentiellement portée sur le dépassement de soi et l’encouragement.

La 4e édition des Masters Sourds et Malentendants, équivalent d'un championnat de France de la discipline, a eu lieu début décembre dernier, à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne). Et vous avez remporté le titre !

Je suis arrivée au Masters avec pas mal de doutes car j’étais blessée depuis deux mois aux cervicales et lombaires. Le mot opération a même été soufflé...

Puis avec mon kiné et mes médecins, nous avons mis en place un protocole de soins. Après un minimum d’entraînements pour soulager les douleurs, je suis arrivée à Paris avec l’espoir de gagner au moins un match et de ne pas aggraver mes blessures. Dès le premier match, j’ai eu d’excellentes sensations et j’ai gagné. J’ai eu le pressentiment que c’était mon moment.

 

 

Pour la finale, je m’étais préparée à un long combat physique mais surtout mental, car le jeu de mon adversaire était coriace. J’ai parlé tactique la veille au soir avec ma meilleure amie qui a été première série et j’ai posé mon plan de jeu.

Trois heures de match où je n’ai rien lâché, je suis allée chercher les points comme je suis allée chercher la victoire. C’est beaucoup d’émotions car je réalise aussi un rêve : intégrer les stages de l’équipe de France.

 

 

Avez-vous des objectifs dans votre carrière de joueuse ?

Oui, cette victoire signe mon retour en compétition. Ma fille à 21 mois et j’ai un peu plus de temps pour moi J’ai mis en place un plan d’entraînements tennis et physique pour être au maximum de ma forme lors du premier rassemblement en équipe de France fin février. Et honorer ainsi la confiance du capitaine Xavier Lerays.

(Emmanuel Bringuier)

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