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Circuit pro

Que sont-ils devenus : avec Constantin Belot

Miné par de nombreuses blessures, Constant Belot a mis un terme à sa carrière à seulement 26 ans. Sans regrets : le Neversois, ancien champion de France 13/14 ans, a rapidement trouvé sa voie pour se reconstruire professionnellement.
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On dit souvent que la pratique du tennis est en lien avec l'entourage familial et c'est aussi votre cas. Quels ont été vos premiers rapports avec ce sport ?

J’ai découvert le tennis à l’âge de trois ou quatre ans par l’intermédiaire de mon frère, qui est mon aîné de sept ans. Il prenait des cours au club de Nevers, notre ville natale. Quand l'école se finissait, j’allais là-bas pour le voir.

J’ai accroché au tennis rapidement. Mon entourage m’a raconté que je me trimballais partout avec mes raquettes en demandant à tout le monde de s'entraîner avec moi. Si ce n’était pas possible, j’allais taper des balles contre le mur derrière le club.

Vous avez progressé rapidement à Nevers avant d'être détecté par la Fédération ?

Oui, j’ai passé des tests pour rentrer au pôle France de Poitiers dès l’âge de 13 ans, en septembre 2004. J’ai été sélectionné avant de passer deux années à l’INSEP (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance).

Quels sont les joueurs que vous avez côtoyés parmi ces années ?

De la même génération que moi, il y avait Adrien Puget, bien sûr, mais aussi Julien Obry, Edouard Houzet et Gianni Minna. De l'année 1990, je côtoyais  Axel Michon, Julien Obry, Romain Sichez et Nassim Slilam.

Et à l'INSEP, j'étais toujours avec Adrien mais aussi Albano Olivetti et Benjamin Cselenko.

Vous étiez un juniors très prometteur mais le corps n'a pas suivi. Que s'est-il passé ?

Quand j'étais à l'Insep, j'ai vraiment connu blessure sur blessure. Je pensais avoir une tendinite au poignet mais il s'est avéré que c’était un peu plus grave qu'une simple tendinite. J’ai dû me faire opérer pour des problèmes aux ligaments du poignet droit. Sur mes deux années à l'Insep, j'ai joué... six mois je pense.

Avec les responsables, on s'était mis d'accord que l'essentiel était de me rétablir physiquement et de passer mon bac. Cette année-là, je suis donc resté chez mes parents pour avoir le bac avant de me lancer pleinement sur le circuit.

Suite à ça, j’ai intégré pendant six à huit mois le CNE à Roland-Garros. Je me suis rapidement blessé. Je n’ai pas pu continuer longtemps à la FFT, ce qui est normal, je n’avais pas les résultats.

J’ai dû trouver une structure hors cadre fédéral classique et je suis parti à Dijon. J’ai passé quelques années là-bas avant de choisir de partir à Aix-en-Provence dans l'académie de Rodolphe Cadart. Puis j’ai décidé d’arrêter complètement le tennis.

Revenons un peu en arrière : en 2005, vous remportez les championnats de France 13/14 ans. Quels souvenirs en gardez-vous ?

C'était assez... inattendu ! Enfin, je faisais partie des favoris mais mon but était juste de donner le meilleur de moi-même. La finale avait lieu sur le court 17 que j'adorais. C'était mal embarqué au départ mais Adrien (Puget) s'est un peu blessé et ça m'a donné confiance en moi.

Finalement j'ai gagné (2/6, 6/2, 6/3). C'était un moment incroyable, inimaginable. Ces championnats, on en parle toute l'année. Là, en quelques secondes, c'était la concrétisation d'un énorme objectif, de quelque chose de très fort.

FFT / Christophe Guibbaud
L'article de Tennis Info sur le sacre du jeune Constantin en championnats de France.
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Il fallait se reconcentrer très vite par contre : quelques semaines après, il y avait les championnats d'Europe et championnats du monde par équipes en République tchèque.

Ça, c'est vraiment un souvenir incroyable. Avec Adrien Puget et Joachim Sternbach, on n'était pas favoris du tout et on a remporté le titre à la surprise générale. Pour ma part j'avais pas mal joué cette semaine-là mais je me souviens surtout de cette ambiance dans l'équipe, de l'amitié entre nous. C'était très fort.

Il y a aussi votre premier et unique titre professionnel, à Izmir 2012.

C'est un drôle de souvenir. En qualifs, je m'en sors en galérant, à l'arrache, je joue hyper mal. Je n'ai pas une attitude très correcte. Non, il faut même le dire franchement : j'étais nul ! Dans le jeu et dans l'attitude.  Mais bon, au fur et à mesure mon niveau de jeu s'améliore... Et je remporte le tournoi. C'était dingue.

Quand on gagne une compétition pro, on s'imagine forcément des choses. On se voit gagner des grands matchs, des grands tournois, on se projette.

Cependant, très rapidement, le quotidien s'est compliqué. Je ne dirais pas que ces années ont été traumatisantes. Mais le tennis est un milieu difficile : on est seuls, on voyage tout le temps. Et il n'y a pas que des amis sur le court.

Les blessures se sont accumulées. J'ai essayé de revenir, de me battre. Mais il y avait trop de concessions.

FFT / Christophe Guibbaud
Depuis l'arrêt de sa carrière, Constantin Belot n'était pas revenu à Roland-Garros.
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Il y a eu un déclic ou est-ce venu progressivement ?

C'était progressif, même s'il y a eu un dernier match à Doha... C'était la goutte d'eau. Je prends 6/0, 6/0 (contre Romain Bauvy). J'étais à bout. J'avais perdu la foi.

Je me souviens avoir échangé avec mon entourage, avec mon frère, ma sœur... Tout le monde a été très compréhensif. Je me suis dit que c'était le bon moment pour passer à autre chose. Finalement, c'est allé assez vite.

Comment avez-vous imaginé votre reconversion ?

Je ne dirais pas qu'il était inconcevable pour moi de rester dans le monde du tennis, mais je me voyais mal continuer. Entraîner, ça ne me faisait franchement pas rêver. J'avais besoin de voir autre chose et ça me trottait dans la tête de changer de voie.

J'étais dans l'optique de reprendre les études malgré mon âge un peu avancé par rapport à d'autres. J'ai passé des concours pour des écoles de commerce et j'ai intégré Grenoble école de management où je suis resté quelques années. Maintenant je suis en CDI depuis plus d'un an. 

Vous êtes asset manager. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement ?

Ça veut dire gérer des actifs pour le compte de tiers. J'ai intégré une société de gestion basée à Paris, je travaille dans des SCPI (société civile de placement immobilier). On collecte l'argent d'épargnants, soit des particuliers soit des institutionnels pour l'acquisition d' immobiliers.

Personnellement, je suis spécialisé dans le secteur du commerce, des immeubles, des galeries marchandes et des centres commerciaux. Une fois qu'on a acquis le bien, il faut le gérer. C'est mon rôle : le gérer et l'optimiser pour le valoriser au mieux.

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Aujourd'hui quels sont vos rapports avec le tennis ?

Je joue de temps en temps, pour le plaisir. Je n'ai pas envie de faire de la compétition. Peut-être que ça me reviendra plus tard. De toute façon, j'avais besoin de prendre des distances.

Mais je ne regrette pas du tout ma carrière. Le tennis était ma passion et ça l'est toujours. D'ailleurs, je suis d'assez loin les résultats du circuit. Plus trop les Futures car je ne connais plus personne. Par contre, j'aime bien suivre les gros tournois, je revois des gens que j'ai côtoyés avant.

Vous pensez à qui par exemple ?

À (Daniil) Medvedev notamment. J'ai aussi joué (Pablo) Carreno Busta en juniors à Roland et (Karen) Khachanov en qualifs dans un Challenger.

Comment s'était passé votre match contre Medvedev ?

Il y en a eu deux. Je me souviens parfaitement du premier, en Tunisie, au début de l'année 2015. Les conditions étaient compliquées, avec beaucoup de vent. Il y avait peu d'échanges : c'était à celui qui garderait la balle dans le court le plus longtemps.

Je me souviens que je mène 6/3, 5-3 et je perds pourtant le 2e set 7/5. Dans le 3e, je me fais breaker assez tôt. J'arrive à debreaker alors qu'il servait déjà très bien à l'époque. Je mène de nouveau 5/3 au 3e... mais je reprends 7/5.

Il est monté très vite. Quand je l'ai joué la première fois, il devait être 600e. Quand on se recroise six mois plus tard, il est déjà 300e. On s'affronte chez moi à Nevers. Je gagne aussi le premier set mais je perds finalement en trois (5/7, 6/0, 6/3). 

Quand vous l'avez joué, vous avez vu quelque chose en lui de différent ? Qu'il avait l'étoffe pour gagner un Grand Chelem ?

Honnêtement non. Je voyais qu'il était fort, qu'il avait du tennis dans la raquette, mais mentalement, il pouvait partir en vrille très vite. J'étais assez surpris de le voir gagner son premier Grand Chelem.

Ce qui m'avait impressionné par contre, c'est qu'il ne ressentait pas la pression. Sur les balles de break, il prenait plus de risques que sur les points classiques dans le jeu. Dans les moments chauds, il servait des premières sur ses secondes ! Complètement fou. Mais ça marchait. 

Vous avez également été sparring-partner et vous avez échangé des balles avec des joueurs plutôt prestigieux !

Oui, la même année en 2009. Je venais d'intégrer le CNE et j'avais envie depuis longtemps d'être sparring. Et le premier jour on me dit : "Sébastien Grosjean veut s'échauffer, vas-y". C'était pour son dernier match je crois (un de ces derniers mais Grosjean jouera quelques matchs en 2010).

Quelques jours après, je suis au self à Roland. Olivier Soulès, entraîneur de l'époque, vient me voir et me dit très sérieusement : "Dépêche-toi, Roger t'attend pour jouer". Je dois répondre quelque chose comme : "Heu, pardon ?" (rires)

Federer était mon idole et ça l'est toujours. J'ai dû me préparer rapidement. Je l'ai même joué plusieurs fois, cette année, car il perd au premier tour à Bercy contre Julien Benneteau mais comme il devait se préparer pour le Masters, il était resté à Paris. À chaque fois, ça se déroulait au CNE.

Par contre, avec Nadal c'était sur place, à Bercy. Ce qui était marrant, c'est que j'avais du mal à imaginer leur vrai niveau de jeu. Oui, bien sûr, on sait qu'ils sont forts mais à quel point ? Comment jouent-ils ?

Et c'est un peu cliché, mais Federer, c'était la facilité. On le voyait jouer et on se disait "mais en fait, c'est facile le tennis". Nadal, lui, c'était l'intensité dès la première balle. Il fallait bien s'accrocher et avoir plusieurs raquettes dispo car il vous cassait vite le cordage ! C'était marrant de voir la différence entre les deux.

Votre meilleur souvenir de vos années tennis ?

La victoire en Coupe du monde, car on se marrait bien : c'était vraiment une bande d'amis qui gagnait un peu alors que personne n'y croyait.

J'ai aussi un super souvenir des championnats par équipes avec Dijon. On n'était pas du tout favoris et pourtant, avec Jérôme Golmard et Vincent Millot, on avait monté l'équipe de la Nationale 3 à la PROA. C'était une ambiance de fou, un tennis comme je l'aime.

Et bien sûr, le Future à Izmir et les moments passés avec Nadal et Federer. Tout ça restera gravé à jamais.

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