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Compétitions

Cinq raisons de ne pas paniquer avant une balle de match (contre soi)

Dans cet épisode de nos "Conseils aux compétiteurs", nous abordons le moment où l’on se retrouve avec une balle de match contre soi. Le conseil d'Arthur Rinderknech : restez calme.
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Il y a ceux qui paniquent, ceux qui balancent, ceux qui pensent qu’à ce stade, tout est fini… Et puis, il y a ceux qui respirent un grand coup et se retroussent les manches pour tenter de renverser la montagne. Au tennis, se retrouver avec une balle de match à jouer contre soi est une situation très banale. La sauver, puis gagner le match ensuite, est beaucoup plus rare.

Rare, mais pas impossible, à condition d’avoir le bon état d’esprit face à cette situation d’urgence. Cela ne garantit en rien l’exploit, évidemment, mais c’est un prérequis indispensable. Nous avons dressé ici une liste de choses à penser pour ne pas (ou plus) paniquer au moment d’aborder ce point crucial. Avec en bonus le témoignage d'Arthur Rinderknech qui détient une sorte de record en la matière en ayant sauvé neuf balles de match sur un tournoi ATP en 2022 avant de s'imposer (accessoirement, il a aussi récemment sauvé une balle de match avant d'apporter un point crucial au TC Boulogne-Billancourt en finale des championnats de France Pro A).

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1/ C’est un point comme un autre

Ce poncif n’est pas tout à fait vrai, on vous le concède. En réalité, non : une balle de match, ce n’est pas tout à fait un point comme un autre puisque c’est le seul dont l’issue va aussi décider de l’issue de la partie. Mais disons qu’il faut l’aborder comme tel, en oubliant l’enjeu décuplé.

Facile à dire, certes… Moins facile à faire, sauf à avoir eu cet état d’esprit pendant tout le reste du match. En effet, le fameux "point par point" peut difficilement s’appliquer à la carte. C’est un état d’esprit qu’il faut avoir tout au long de la partie, afin qu’au moment où survient le "money time", vous soyez déjà, en quelque sorte, sur pilote automatique.

FFT / Corinne Dubreuil
Comme Coco Gauff, abordez ce point (crucial) avec un maximum de concentration.
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2/ Pensez à vos schémas préférentiels

C’est bien connu : en cas de crise, il faut toujours se réfugier derrière les valeurs sûres. Au tennis, c’est pareil. Les plus grands champions l’ont souvent expliqué : sur les points les plus importants, il faut se réfugier derrière ce que l’on sait faire de mieux. La tension du moment n’autorise pas vraiment les fantaisies, encore moins de se hasarder à tenter des coups que l’on ne maîtrise pas.

Cela implique de parfaitement se connaître en tant que joueur, savoir quels sont ses points forts, ses points moins forts, ses filières et schémas de jeu préférentiels. Mais ça, c’est la base. Et ce sont dans ces instants les plus critiques que l’on en mesure toute l’importance.

FFT / Julien Crosnier
Grand spécialiste des "sauvetages" de balles de match, Novak Djokovic sait s'appuyer sur ses forces (nombreuses) dans ces moments décisifs.
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3/ Vous pouvez aussi vous lâcher

Finalement, le moment où vous vous retrouvez avec une balle de match contre vous n’est pas celui où la pression est la plus forte. Quelque part, vous n’avez plus rien à perdre. Donc oubliez que vous n’avez aucune chance et foncez. On ne sait jamais, sur un malentendu…

Blague à part, si vous êtes du genre à avoir du mal à appliquer le principe du "point par point" - on y revient -, la balle de match vous oblige à faire l’effort. Elle doit être jouée avec un maximum d’intensité et d’application sans se soucier de son issue : au pire, vous la perdez et la pression du match redescendra aussitôt, puisqu’il sera fini.

C’est donc l’occasion ou jamais de se lâcher. Et pourquoi pas tenter un ultime coup tactique, surtout si la situation est vraiment désespérée. A l’image par exemple de cette anecdote racontée par Camille Pin qui, menée 6-1, 5-1, balle de match par l’Indienne Sania Mirza lors du tournoi de Bangalore en 2006, s’était subitement mise à faire des "ronds" et s’était aperçue que son adversaire détestait ça. Elle s’était imposée 1-6, 7-5, 6-2…

FFT / Cédric Lecoq
Arthur Rinderknech et Camille Pin en connaissent un rayon en ce qui concerne les balles de match sauvées...
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4/ Votre adversaire est encore plus tendu

On ne dit pas que c’est facile d’avoir à négocier une balle de match contre soi : on dit juste que ça ne l’est pas non plus pour votre adversaire, et peut-être encore moins. Car contrairement à vous qui n’avez, à ce stade, plus grand-chose à perdre, lui peut être rattrapé par la non moins fameuse peur de gagner. Un bras qui se tend au moment de conclure et il sait qu’il peut s’enferrer dans une drôle de galère.

Gardez ça à l’esprit au moment d’aborder ce point crucial. Et plus vous montrerez votre détermination à vous sortir de cette situation, plus, de son côté, il pourra se faire quelques nœuds au cerveau. Sauf bien sûr à mener très largement au score, le dernier point est parfois le plus dur à gagner.

FFT / Corinne Dubreuil
Au moment où il (elle) doit conclure, l'adversaire peut aussi se tendre...
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5/ Vous avez l’occasion de signer un exploit rare

Y a-t-il meilleur moment de grâce, au tennis, que de goûter à la victoire après avoir sauvé une (voire plusieurs) balle(s) de match ? Cela n’arrive pas souvent, d’accord. Mais lorsque cela arrive, le sentiment de plénitude est total. Alors que gagner 2 et 2, c’est bien mais ça ne va pas bouleverser votre carrière. Sauf si vous avez joué le tennis de votre vie et réussi LA "perf", c’est un match que vous oublierez généralement assez vite.

En revanche, on n’oublie jamais un match qu’on a gagné après être passé à un point de la défaite. C’est un grand sentiment de fierté, pour n’avoir pas cédé à la facilité du renoncement et être allé chercher en soi des ressources peut-être insoupçonnées. Ce sont aussi ces matches qui procurent le plus d’émotions en tout genre. Et, au fond, ce sont pour ces émotions qu’on joue tous au tennis. Songez-y au moment de la balle de match : l’extase sportive est peut-être à portée de raquette…

FFT / Corinne Dubreuil
Quand on sauve des balles de match, la joie est forcément décuplée !
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Le témoignage d’Arthur Rinderknech

"Tu peux sauver une balle de match, mais pas neuf…" Eh bien si, c’est possible. Arthur Rinderknech l’avait fait au tournoi de Gijon, en 2022, où il avait sauvé neuf balles de match face à Pablo Carreno Busta (alors 15e mondial) avant de s’imposer 4-6, 6-3, 7-6(16). Que celui qui a fait mieux nous fasse signe. En attendant, Arthur nous explique sa méthode à lui.

"Bien sûr, on n’aborde pas une balle de match de la même manière s’il y a 6-2, 5-1, 40-0 que si c’est à 6-5, 30-40 au 3ème set. Dans ce dernier cas, c’est plus tendu, c’est sûr, mais c’est juste un point comme un autre. Il faut le jouer de manière neutre mais en étant particulièrement appliqué, sans tenter n’importe quoi, sinon c’est terminé.

Le mieux, à mon sens, c’est de rester dans ses schémas habituels. La meilleure façon de se libérer du stress, c’est de faire ce que l’on sait faire. Si son jeu, c’est de faire des ronds 3 mètres derrière la ligne, il faut le faire. Si c’est service-volée, il faut le faire. Personnellement, j’ai un jeu offensif et j’aime perdre ou gagner avec mes armes. Lors de ce match contre Carreno Busta, j’avais donc sauvé ces balles de match en me montrant très offensif. Je ne voulais pas pousser la balle et que l’issue dépende de lui.

Après, le contexte était particulier. Je venais de perdre ma grand-mère, qui était très importante pour moi et j’avais énormément pensé à elle tout au long du match. Quoi qu’il arrive, je voulais gagner pour elle. C’est un peu bizarre mais du coup, je me sentais invincible, comme si j’étais animé par sa force. En fait, je n’ai jamais douté. C’était vraiment spécial et j’aimerais être habité plus souvent par ce genre de sensations.

Lors de cette même période, fin 2022, j’avais gagné plusieurs matches en sauvant des balles de match, contre Schwartzman et Cilic également. Ce n’est peut-être pas un hasard si cela arrive par série. Car sauver des balles de match, c’est aussi une question de confiance. Dans ces moments-là, il faut avoir foi en soi, en sa capacité à jouer de la bonne manière et à sortir le bon coup au bon moment. On prend une bonne décharge d’adrénaline et on y va."

(Rémi Bourrières)

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