Type
Vie des clubs

Le club de ma vie : Patrick, du Sporting club d’Houlgate

Pour le troisième épisode, nous allons dans le Calvados, sur la côte Fleurie, à la rencontre de Patrick Barba, 63 ans, qui s’occupe du mythique sporting club d’Houlgate depuis plus de 35 ans.
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Le club house est votre deuxième maison ? Vous êtes très impliqué dans la vie de votre club de tennis ou, tout simplement, vous aimez y passer du temps pour y jouer, mais pas seulement ? Dans cette nouvelle rubrique, nous vous invitons à évoquer "le club de votre vie".

Patrick Barba
Meilleur Classement : 15
Club : Sporting Club d’Houlgate > voir la fiche du club sur Ten'Up
Fonction : directeur sportif

Citation
Je vis dans le club : je vois les courts depuis la fenêtre de ma chambre !
Auteur
Patrick Barba
Twitter quote
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Depuis quand vous occupez-vous du club de votre vie, qui est le sporting club d’Houlgate ?

Depuis l’année de mes 27 ans, en 1984. J’ai quitté Paris spécialement pour venir m’occuper du club, que je connaissais depuis tout petit. En fait, je suis né à Houlgate en août 1956. Houlgate est une comme une passion qui se transmet de génération en génération dans notre famille : mes grands-parents avaient une maison et mes parents y passaient leurs vacances. Moi j’ai passé tous mes étés ici, j’ai fêté mes 63 anniversaires à Houlgate. Voilà pourquoi le club m’était déjà familier : je venais tout le temps quand j’étais enfant, d’autant plus que mon père était le président du club. J’en étais très fier. On est toujours fier quand on a un papa président. J’étais et je suis toujours fan de ce club, qui est un véritable coin de paradis.

Un club au goût de paradis
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C’est donc là que vous avez appris à jouer au tennis ?

Oui, petit, je jouais contre un mur ou parfois sur les terrains quand ils étaient libres. Dans les années 1950 ou 1960 les enfants avaient peut-être un peu moins la part belle. Les terrains étaient plutôt occupés par les adultes, qui avaient la priorité. Aujourd’hui, la vie d’un club est beaucoup plus tournée vers la jeunesse.

C’était donc un rêve d’enfant pour vous de vous occuper de ce club ?

Tout à fait. Je suis d’abord entré au comité du club, vers l’âge de 20 ans. À une époque, le club tournait un peu moins bien. On avait un peu moins de monde pour s’en occuper. J’ai décidé donc de m’installer ici, et je n’en ai jamais bougé. Quand je dis ici, c’est dans le club : je vis dans le club ! J’occupe une dépendance, sur le côté, où logeaient autrefois des gardiens. Le club a accepté que je m’y installe. J’ai pu agrandir les lieux. Depuis ma chambre, j’ai vu sur les courts.

Patrick au boulot !
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Comment est-ce de vivre dans un club de tennis ?

Au départ, j’étais seul. Avant de rencontrer mon épouse, qui est venue s’installer avec moi, j’ai vécu 7 ans tout seul au club. Moi qui venais de Paris et qui avait un tempérament plutôt de fêtard, je pouvais passer des journées entières sans parler. Car un 23 novembre par exemple, Houlgate peut-être très calme (rires). Je vivais en ermite. Mais je réalisais un rêve. A chaque fois que je traverse le portail du club, je me dis que c’est un endroit formidable. Je ne veux pas partir. C’est comme une drogue, je n’arrive pas à m’en séparer.

Pouvez-vous nous décrire le club ?

Il faut savoir avant toute chose qu’il a été construit au début du XXè siècle, en 1906. Le club est basé sur une pente. Les courts, qui au tout début n’étaient qu’au nombre de 6, sont donc en escalier. Nous avons aujourd’hui 12 courts au total, 10 en terre battue et 2 en synthétique. En hauteur, en haut de la butte, trône le club house qui est en colombage normand. Il domine tout. Devant la terrasse du club house, sont situés nos deux courts centraux, les courts 1 et 2. Ils sont bordés d’une butte en herbe qui nous sert en quelque sorte de tribune naturelle. Quand il y a des tournois ou des grands matchs, les gens s’assoient dans l’herbe pour les suivre. Cela donne un petit côté british !

Vue imprenable sur les courts !
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C’est un club chargé d’Histoire et d’histoires. L’aviateur Roland Garros venait souvent à Houlgate. La digue le long de la plage porte d’ailleurs son nom. Il a décollé une fois des courts 8 et 9, à l’époque où ces deux courts étaient des herbages. C’était quelques jours avant le 6 septembre 1912, jour où Roland-Garros a pulvérisé le record d’altitude en décollant de la plage d’Houlgate et en volant à 5000 mètres d’altitude avec son biplan Blériot.

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Comment est né le club ?

Il a été construit il y a donc plus de 100 ans, à moins de 200 mètres de la mer et à l’initiative notamment de messieurs Rouget et Février, par des gens qui ont mis de l’argent pour construire les courts. Ces personnes ont ensuite monté une association qui s’est vue confier l’entretien des lieux. Pour le centenaire du club, en 2006, la SCI (ndlr : Société Civile Immobilière) a créée des actions supplémentaires. Les membres du club ont pu en acheter et ainsi devenir actionnaires. Cela nous a permis de récolter 50.000 euros et de faire des travaux dans le club.

Combien avez-vous de membres aujourd’hui ?

Le club marche bien. Depuis 5 ou 6 ans, nous enregistrons entre 3 et 7% d’augmentation chaque année. On arrive tout doucement à 450 membres. Nous avons beaucoup de Parisiens. Ils constituent environ 90% de nos membres. Pour eux, il s’agit la plupart du temps d’un club secondaire. On est souvent leur deuxième club, leur club de vacances, un peu comme une résidence secondaire.

Qui sont les meilleurs joueurs du club ?

Nous avons Victor Lamm, qui est à 1/6. Tout jeune déjà, Victor jouait sur nos courts, alors que sa famille n’avait pas encore de maison à Houlgate. J’ai convaincu sa maman d’acheter une maison à Houlgate ! Ce qu’elle a fait. Aujourd’hui, il est dans notre comité. Il joue en équipes avec nous. Et il a gagné 12 fois le tournoi interne ! Il est un peu la coqueluche du club, comme c’est souvent le cas dans un club avec le joueur le mieux classé. Il vient souvent jouer avec des copains qui sont des anciens numérotés, comme les frères Nicolas et Olivier Renavand par exemple. Chez les filles, Charlotte Villeminot est classée  également 1/6.

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A ce sujet, on imagine que de nombreux joueurs célèbres ont déjà foulé les courts du club...

Nous avons un grand tournoi chaque année. Plus de 500 personnes y participent, dont une vingtaine de joueurs négatifs. Depuis la création du club, il y a toujours eu un tournoi Open, sauf de 1914 à 1918 et de 1939 à 1945. Tous les gagnants ont leur nom dans le club ! Cela fait un long palmarès !

Donnez-nous quelques noms...

Eric Deblicker (ndlr : 65è à l’ATP en 1978) a gagné par exemple en 1972. L’Australien Colin Dibley (ndlr : quart de finaliste de Wimbledon en 1971 et 1972) a gagné en 1970 en simple et en double, avec Ross Case (ndlr : 14è à l’ATP en 1976). Nous avons également un ancien quart de finaliste de Roland-Garros à notre palmarès (ndlr : en 1999), l’Uruguayen Marcelo Filippini. Avant la création des tournois Futures et du circuit Challenger, des grands joueurs venaient. Ils dormaient le plus souvent chez l’habitant.

Et chez les filles ?

Virginie Pichet (ndlr : 120è à la WTA en 2004) a gagné en 2003 et Naomi Broady (76è à la WTA en 2016) en 2009. Pauline Parmentier a également joué cet Open en 2002.

Quel est votre endroit préféré dans le club ?
La terrasse qui domine tout le club. Une sorte de rotonde d’où l’on peut voir les 12 courts. C’est assez rare, dans un club, de pouvoir avoir une vue sur l’ensemble des courts

Patrick connaît l'histoire du club sur le bout des doigts.
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Quel est votre rôle exact aujourd’hui dans le club ?

Je fais un peu de tout. Je m’occupe des animations pour les jeunes en vacances scolaires, je m’occupe des cotisations. Comme j’ai mon BE (ndlr : brevet d’État), je donne des cours toute l’année aux jeunes, le mercredi. Je fais parfois du jardinage, du gardiennage, je m’occupe des terrains. Bref, j’ai une activité variée. Pour ce qui est de la buvette, on laisse parfois le soin à des jeunes du club de s’en occuper. Par exemple, vous pouvez voir un jeune de 9 ans tenir la buvette. Ils adorent ça, ça les amuse. Nous sommes une grosse structure, mais nous fonctionnons comme un petit club. Nous n’avons que deux salariés à l’année...

Y avez-vous joué un match qui vous a profondément marqué ?

Oui, quand j’ai fait une belle perf, alors que j’étais 15/2, contre un 4/6 devenu par la suite entraîneur à la FFT. C’était lors d’une rencontre par équipes à Houlgate. Il était bon. J’ai su saisir ma chance car je ne l’aurais pas battu deux fois !

Pour finir, quelle anecdote concernant le club auriez-vous envie de raconter ?

Nous avons un cochon noir qui vit dans le club, en totale liberté. Il s’appelle Tambouille et il est familier à tous les habitués du club. Quand les joueurs reviennent, ils demandent souvent s’il est toujours là... Il lui arrive parfois de traverser un terrain en plein milieu d’un match. Il faut voir la tête des joueurs classés -2/6 quand un cochon traverse le court pendant qu’ils jouent (rires). Du coup, tout le monde rigole. Les jeunes filment parfois la scène avec leur téléphone portable et le mettent sur les réseaux sociaux. Généralement, les joueurs le prennent bien. Ça les fait rire aussi !

Recueilli par Julien Pichené

Le célèbre Tambouille !
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