Daniel Courcol : "Le club doit devenir un lieu incontournable du territoire"

Pouvez-vous résumer votre parcours et les motivations qui vous ont conduit à accepter ce poste ?

Depuis l'arrêt de ma carrière de joueur intervenue dès 27 ans (il a été professionnel, 166e mondial, n°1 universitaire aux Etats-Unis), j'ai toujours gardé dans un coin de ma tête l'idée de revenir un jour dans le milieu du tennis. Je suis allé travailler dans des secteurs divers, très éloignés du sport, pour apprendre. Il s'est avéré que j'ai été séduit par la candidature de Gilles Moretton et par les valeurs qu'elle portait. Et me voilà… Mon histoire avec le tennis est celle d'un club : je suis "né" au TC Paris. J'ai fait partie du comité directeur quelques années, j'ai été capitaine d'équipe... J'y ai joué les matchs par équipes depuis mon plus jeune âge et j'ai bien l'intention de continuer ! J'ai fait toute ma vie tennistique au TCP jusqu'à la 1ere série nationale et le tableau final de Roland-Garros et du tournoi de "Bercy" (aujourd'hui Rolex Paris Masters). J'ai donc une vision assez large de ce qu'est un club de tennis.

Le soutien aux clubs au sens large et la relance de la pratique vont être l'un des grands objectifs de votre poste alors que la sortie de crise sanitaire se dessine…

La première instruction que j'ai donnée à mon équipe, c'est la proximité. Nous allons, au siège de la Fédération, nous rapprocher des ligues, des comités départementaux et des clubs pour coller au plus près du terrain et savoir ce qui s'y passe réellement.. Des visites régulières avec un programme d'animations vont être mises en place, si le contexte sanitaire le permet bien sûr. Nous sommes un service destiné aux clubs. Allons là où ça se passe.

L'autre point sur lequel nous nous sommes mis au travail et qui figurait dans le programme de Gilles Moretton, c'est le développement des "extensions" du tennis : il y a bien sûr le padel, le beach tennis, le tennis-fauteuil, mais aussi le tennis-santé, le tennis à l'école. Dans ces domaines comme dans tous les autres, le credo c'est que tout ce qui est fait au niveau fédéral ne doit pas occulter ce qui se fait déjà sur le terrain. Nous devons parvenir à créer un écosystème vertueux afin que tout le monde puisse bénéficier des bonnes actions des uns et des autres. On doit s'appuyer sur la communauté des passionnés qui font vivre les clubs au quotidien.

Concernant le sujet particulier du Proshop de la FFT, un virage a déjà été pris pour que ce service redevienne dédié aux clubs et non plus aux licenciés…

L'e-Commerce réclame quelques bases (largeur de gamme, disponibilité, prix, qualité de service). Un sondage réalisé par l'équipe Proshop a montré que toutes ces bases n'étaient pas encore respectées. Les clubs nous notent 7/10. Ce n'est pas mauvais, mais pas suffisant. Le constat c'est que plutôt que de nous déployer sur le B to C, nous devons d’abord assurer la qualité de service auprès des clubs. La décision a été prise avant mon arrivée et j'en suis totalement solidaire.
 

Que pensez-vous des performances de Ten'Up et des améliorations qui peuvent y être apportées ?

Dans sa forme actuelle, cette application (et son site) permet déjà plein de choses. C'est le socle digital de nos clubs et de nos licenciés, voire de nos pratiquants. Il est utilisé aujourd'hui par plus de 420 000 joueurs. L'objectif est que tout le monde l'utilise et qu'il soit notre portail d'entrée pour l'accès au tennis (et aux autres "pratiques"). Nous avons des petits sujets à résoudre. Par exemple, le principal motif de contact au Service Clients, pour 59%, est la difficulté à se connecter. Sur la même logique que Proshop, avant de développer de nouveaux services performants, commençons par assurer l'essentiel. Les difficultés qu'ont nos "clients" à créer leur compte doivent être résolues. L'accès au service doit être fiable.

Pour aller chercher d'autres "clients", d'autres publics, comment mieux accompagner par exemple la montée en puissance du tennis-santé et du tennis scolaire et universitaire ?

Notre objectif est d'être présent tout au long de la scolarité de l’enfant depuis la maternelle jusqu’à l’université. Sur le sport à l'école, le tennis peut faire mieux et nous y travaillons. Nous avons lancé l’action « de la Cour au Court » dans les écoles maternelles. Nous allons signer une convention de partenariat avec l’UNSS prochainement. Nous travaillons en étroite collaboration depuis quelques semaines et cela devrait porter ses fruits à la rentrée prochaine. Il en est de même avec la Fédération française de sports universitaire avec laquelle nous travaillons en proximité pour adapter l’offre envers les étudiants. Ce ne sera pas seulement une offre de compétition. Nous souhaitons créer un pont entre l’université et les clubs.

Notre objectif est de donner dans ce cadre éducatif l’envie de jouer avec une balle et une raquette de façon ludique.

Nous espérons amener plus de jeunes au tennis et faire en sorte qu’ils y restent.

Sur le sujet du tennis-santé, les vidéos que l'on trouve sur fft.fr de ces femmes qui souffrent d'un cancer du sein sont bouleversantes. Elles montrent à quel point le tennis-santé peut apporter des sourires et du bien-être. Nous avons un travail de fond à faire auprès des mutuelles pour assurer le remboursement de ces séances ou pour trouver les bons relais dans le milieu médical afin que davantage de médecins prescrivent ces séances aux malades. On n'en est qu'au début. Il reste beaucoup de choses à faire autour de ce "programme".

On en vient à parler de l'objectif de développer les autres pratiques que sont le padel, le beach, le paratennis…

J'ai une sensibilité particulière pour le paratennis puisque le sujet du handicap était dans mon périmètre chez Keolis, mon entreprise précédente (Transports Publics). On a la chance d'avoir une élue (Florence Alix-Gravellier) qui va nous accompagner avec efficacité dans le développement de cette pratique (lire son interview "Je crois au vivre ensemble").

Je crois aussi beaucoup au beach tennis qui apporte une offre fun et complémentaire pour le club. Le beach tennis est un sport de sable et pas uniquement un sport de plage ; il a donc toute sa place dans l’enceinte des clubs. Même si ce sport se pratique plus facilement aux beaux jours, il est possible de jouer tout au long de l’année. Cet été nous allons lancer le FFT Beach Tennis Tour 2021 qui est un circuit de tournois pour tous les niveaux de joueurs, du débutant au joueur plus expert. On doit pouvoir capitaliser sur le beach tennis qui avait bien démarré au début des années 2010. Il a ensuite ralenti parce qu'on ne s'en est pas forcément occupé.

La communauté nous attend sur le sujet et j'espère qu'on saura être au rendez-vous du développement. Un groupe de travail réfléchit sur la possibilité, comme l'a évoqué Arnaud Di Pasquale à propos du padel sur la mise en place d'une licence beach tennis.

Les clubs, c'est la pratique, les licenciés, mais aussi les bénévoles et les enseignants. Pour ces populations la situation est préoccupante.

Oui. Le "couple" dirigeant bénévole-enseignant symbolise l'âme du club. Concernant les bénévoles, dans son programme Gilles Moretton insiste sur la nécessité de s’interroger sur l’avenir du bénévolat car c’est de l’avenir de nos clubs dont il est question. Sans eux, les clubs ne fonctionneraient pas. Mais nous savons que l'évolution de la société interroge sur la raison de leur engagement et le sens à lui donner. Les solutions proposées doivent être en mesure de susciter de nouvelles vocations de bénévolat.

Pour les enseignants, ils nous quittent parce qu'ils ne gagnent pas suffisamment leur vie. Ils ont un statut précaire. Or si on veut redonner vie aux clubs, ça passe par le corps enseignant. Un enseignant incarne le club au quotidien. C'est lui qui est le plus souvent présent, il en est le pivot. On a un vrai travail à faire avec la Direction Technique Nationale et la Direction de la formation sur l'enseignant.

Le projet de Gilles Moretton porte en priorité sur les clubs et donc tout ce qui les fait vivre. Tout ce qui est dans l'intérêt du club est la priorité de ce mandat et donc de mon quotidien. L'objectif, peut-être un peu utopique, est de faire du club de tennis un lieu incontournable du territoire. C'est-à-dire : "Qu'est-ce qu'il y a de bien dans cette ville ? Le club de tennis."

Pour ça il faut bien sûr des infrastructures, pas forcément extraordinaires, mais entretenues et propres, et surtout un staff humain accueillant, généreux, empathique, compétent techniquement, un staff qui sait accompagner chaque pratiquant en fonction de ses envies. Les gens doivent venir dans un club pour progresser, mais aussi pour y passer du bon temps et pour s’amuser.
 

Quel va être votre calendrier pour tous ces objectifs de développement ?

La rentrée sportive va être le rendez-vous à ne pas manquer. Comme beaucoup d'autres sports, le tennis a été assez largement affecté par cette crise sanitaire. Nous sommes donc en train de travailler sur un plan de relance composé de plusieurs actions sur lesquelles nous allons communiquer juste après Roland-Garros.

Concernant la compétition, nous attendons tous avec impatiences les directives gouvernementales nous permettant de relancer la compétition dans les clubs, les tournois multichances, les tournois open, les tournois internes de clubs pour retrouver de la convivialité.

Ce manque de compétition depuis plusieurs mois est frustrant pour tous les compétiteurs, aussi je suis certain qu’ils seront au rendez-vous dès que cela sera possible. Les championnats par équipes ont malheureusement dû être annulés cette année, cependant nous maintenons les championnats de Pro A et Pro B qui se dérouleront en novembre et décembre ainsi que certains championnats de France individuels.  

D'ailleurs pour terminer sur ce sujet de la compétition, conformément au souhait du Président, il y aura bien une compétition des Championnats de France individuels à Roland-Garros dès cette année, le Critérium (2e série). C'est une bonne nouvelle pour le tennis français que cette épreuve se dispute dans le stade, pour le prestige.